Chroniques

Les cabarets au Cameroun : incubateurs de talents

Avez-vous connu les lieux de musique que furent les «Mont-Cameroun Bar», «Cercle Davum la Jeunesse» au quartier Akwa (lieu de naissance de la toute première cuvée des Black Styl’s avec le batteur Essombè Enyawè Antoine) ? «Oryx Bar» à Bonabéri, «Joie d’Eté», «Pachanga Cabaret Dancing», «Mermoz Bar», «Petit Coin d’Amour» et «Bessengue Bar» (lieu où officiait Nkotty François à ses débuts) dans ce Douala qui sort à peine du maquis? Quid du célèbre «Philanthrope» ? Et les non moins célèbres «Cinq-Six», «Maffo-Bar» ; les historiques «Mango Bar» où officiait le Los Camaroes de Messi Martin ; «Colombey-les-Deux-Églises», «Parafifi» «Fraîcheur Bar» et «Tailleur-Bar» à Yaoundé pour la même période ? Connaissez-vous le «Negresco» au quartier Mvog-Mbi où, jeune lycéen à Leclerc, j’avais déjà mes habitudes ? Quid d’«Escalier Bar» (véritable bouillon de culture bikutsiste!), «Chacal- Bar» à Nlongkak (fief de Les Têtes Brûlées) et le «Complexe Nkomo» (temple consacré de l’Ex Libris et del’adoration du Veau d’Orpar un certain Mbarga Soukous et Cie), qui viendront, eux, deux bonnes décennies après ?

Avez-vous connu, durant les années 70, «La Paillote» où trônaient déjà en maîtres Aladji Touré et Tom Dollar, dans ce Bafoussam où Sam Fan Thomas et Nkembé Pesauk sont en quête d’un accord de guitare «à se partager» fébrilement, inséparables potes qu’ils étaient comme on peut aussi l’imaginer aussi d’un Jack Djeyim avec Tchowat ou Billy Kom Lobo. La même question vaut pour «L’Hôtel Le Président», toujours pour la ville de Bafoussam, où officiait déjà un certain Mbida Jacques Douglas. Et que dire du «Bouksou» Bar-Dancing jadis situé à Bertoua…


Le cabaret a donc fortement participé à l’éclosion de nos musiciens tout en contribuant à la maturation d’un travail de base minimal pour l’essentiel des gens dotés tout au plus de quelques rudiments de solfège. Les chorales aussi ont pas mal incubé de talents aujourd’hui plus que confirmés.

Cette petite évocation, au demeurant non exhaustive, nous rappelle que le bar-dancing dans toute sa contexture sociologique fut un lieu d’incubation du talent musical au même titre que ces chorales chrétiennes à qui il faudra bien que je rende hommage dans un texte exclusif. Ainsi donc de la légendaire «Chorale 101» à «Les Précieuses» (jeune groupe actuellement soutenu par Nkotti François), en passant par la «Peace of Soul Singers», «Les Semeurs», «Les Triplés» -dotée de près de 100 membres-, «Biyova», «Bayembi’s International», «Gospel Singers» et toutes les autres chorales chrétiennes d’expression anglaise qui font aussi la fierté de notre musique, est-il grand temps de rendre hommage au chant choral. Et Dieu seul sait si ça chante bien de ce côté-là ! A ce titre, il me faudra rendre un hommage vibrant à Paul Lembe, Mbappe Eke Jean, Ndonde Henri, Ngwa Tabley, et bien sûr Daniel Ndoumbè Eyango.

Le cabaret a donc fortement participé à l’éclosion de nos musiciens tout en contribuant à la maturation d’un travail de base minimal pour l’essentiel des gens dotés tout au plus de quelques rudiments de solfège. Les chorales aussi ont pas mal incubé de talents aujourd’hui plus que confirmés si l’on s’en tient juste aux cas d’Anne-Marie Nzié, Arbo’, Eboa Lottin, Eko Roosevelt, Seba Georges, Adèle Etogo, Ronz, Dynastie le Tigre, Lady Ponce ou Didier Likeng. Les musiciens camerounais doivent par conséquent énormément à ces deux structures. Aujourd’hui, la première bat de l’aile ; la seconde, elle, survit comme elle peut au-delà de l’espoir suscité récemment par le «Gospel Revival Time» et le «Gospel A Capella», dernier évènement au Cameroun dont Seba Georges était le parrain. 

Joseph Owona Ntsama

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