Chroniques

Musique: Generations Fever

Il est des soirs où le martyr du froid est facile à supporter. Où une conjoncture favorable vous permet de vivre un rêve éveillé. Où vos sens sont en fusion. Samedi 22 juin en fait partie. Une soirée où une constellation de stars de la musique a décidé de montrer un autre visage de la créativité et du spectacle comme l’on n’en voit que rarement. A la faveur de la fête de la musique 2019 en effet, l’Institut Français et les Brasseries du Cameroun ont convié le public à partager un de ces moments de grâce et de bonheur difficile à décrire. Surtout quand on sait que les concerts géants en plein air ne sont pas l’apanage d’une ville réputée pour sa froideur. Et qui ne fait pas grand-chose pour convier les sens de ses mélomanes à une fusion comme sait le permettre la musique. Ceux qui ont répondu à l’invitation ont eu raison. Ils ont même en sus pu mesurer ce que la rencontre des générations pouvait exhaler.

Oui, dans ce pays où la querelle entre anciens et modernes, entre vielles et nouvelles outres a depuis installé son lit, cette soirée a donné une réplique comme on les aime. Car être dans la tension et le soupçon empêche les regards et les cœurs de faire corps et de magnifier le talent. Ce samedi, une fièvre particulière est venu rappeler cela, avec un brio qui n’avait d’égal que les possibilités de l’art dont les frontières sont, comme nous le savons, infinies.

Sur ce podium géant installé au Boulevard du 20 mai, celui-là même où se célèbre l’unité camerounaise, des musiciens et chanteurs de différentes générations ont rivalisé de talent pour montrer leur savoir-faire mais également leur tolérance dans un univers saturé par des débats haineux à n’en plus finir sur notre vivre ensemble. Le tout sur un professionnalisme dans l’organisation dont les déclinaisons ont parcouru la soirée avec une précision à la hauteur des talents du soir.


Pour ma part, le grand moment restera le passage de Ben Decca. Avec son indécrottable envie de sanctifier ce makossa qui ne l’a jamais quitté depuis son premier album en 1982, il a su, avec la magie de cette voix qui refuse de vieillir, mis du baume au cœur de mélomanes d’hier et d’aujourd’hui.

Parlant de précision, le conducteur de départ a été respecté. Au pied de la lettre. Le spectacle a commencé à l’heure dite et les artistes se sont succédé sur le podium à un rythme soutenu avec changements d’orchestre qui ne les ont point désorienté, encore moins embarrassé le public. D’Estelle Mveng à Macase en passant par Love N’ Live, Salatiel, Marlyz, Valdez, Krotal, Mambo, Lydol ou Coco Argenté les heures se sont égrenées sans peine jusqu’au petit matin ou presque. Les mélomanes ont chacun laissé exploser leur joie au fur et à mesure reprenant un refrain ici, applaudissant à tout rompre là, toujours joyeux. Avec pour climax ce duo entre la jeune chanteuse Taty Eyong et le crooner bassiste et non moins arrangeur Etienne Mbappé. En reprenant « San San Boy » de ce dernier [tiré de l’album Su La Také], les deux ont montré que la rencontre entre les générations pouvait donner lieu à une étincelle chaleureuse, que la querelle n’avait pas lieu d’être, que le passé pouvait épouser le présent pour envisager le futur, que l’art était le ciment idoine entre les générations.

Pour ma part, le grand moment restera le passage de Ben Decca. Avec son indécrottable envie de sanctifier ce makossa qui ne l’a jamais quitté depuis son premier album en 1982, il a su, avec la magie de cette voix qui refuse de vieillir, mis du baume au cœur de mélomanes d’hier et d’aujourd’hui. Oui l’enfant du quartier Déido sur les berges du fleuve Wouri à Douala a démontré qu’il n’était guère utile de changer son fusil d’épaule au plan rythmique pour mettre la nouvelle génération dans la poche. A voir le public fredonner avec lui tant d’airs qui lui sont restés en mémoire, à le voir exécuter avec dextérité et entrain ses partitions de chant, l’on a compris que l’aîné de la fratrie des Decca pouvait revendiquer à juste titre la meilleure place à la bourse des valeurs musicales camerounaises.

Ambiance bon enfant aura été donc cette soirée qui a démontré également qu’il existe au Cameroun des structures pouvant mettre sur pied une organisation et une sonorisation professionnelles. Pour peu que chacun intervienne dans le domaine qui est le sien et respecte celui de l’autre. Cela éloignera tant d’apprentis sorciers et d’imposteurs qui par le passé nous ont sevré de ces instants où l’art nous élève et nous convie à la transcendance. En quittant ce boulevard mythique, je me suis mis à rêver de concerts géants réguliers en cette ville de trois millions d’habitants qui cherche toujours ses marques dans le domaine et qui continue d’être nostalgique de ces années fort lointaines où y défilaient de grands noms de la musique mondiale. C’était à l’époque où Ben Decca cherchait encore ses marques.

Parfait Tabapsi

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